On cite toujours plusieurs mesures et observations qui valident la relativité générale d'Einstein. Il y en a une principale pour laquelle la façon de faire le calcul m'a toujours parue étrange, pourtant c'est une des premières qu'Einstein a mise en avant. Je la soumets à votre sagacité.

Mais avant, pour éviter toute confusion ou incompréhension, parlons de celles où le calcul et l'observation ne posent pas à mon sens de problème (voir nota 1) : la déviation de la lumière par une masse dont en particulier les mirages gravitationnels, elle valide de façon éclatante l'équivalence masse/énergie et la courbure de l'espace par la masse/énergie ; le ralentissement du temps à proximité d'une masse (dont l'utilisation du gps est un exemple de tous les jours) ; les échos radar en prenant comme cible une planète ; les images des "trous noirs" (qui pour moi sont en fait pour l'instant des "trous gris") ; la coalescence de "trous noirs" ou d'étoiles à neutrons (mesure des ondes gravitationnelles par le système LIRGO/VIRGO) ; le modèle lambdaCDM qui rend bien compte de l'évolution de l'univers (aucune autre théorie n'est aussi pertinente même s'il y a des "trous dans la raquette"). Certainement d'autres mais elles ne me viennent pas à l'esprit. Par contre, il ne faut pas se faire d'illusions, les approximations et parfois les conjectures sont souvent présentes.

Revenons-en à ma problématique, il s'agit du calcul de l'avance du périhélie de Mercure. Comment fait-on ? On sait qu'en première approximation, les équations d'Einstein se ramènent à la théorie de Newton (la gravité est une force instantanée en 1/r²). Partant de ce principe (l'ensemble du calcul a été fait bien avant qu'Einstein ne pose ses équations) on calcule la trajectoire de Mercure (il n'y a alors aucune avance de son périhélie). Puis en utilisant une série d'approximations, on calcule quels sont les impacts entrainés par la présence des autres corps du système solaire et du fait que le soleil n'est pas parfaitement sphérique (par exemple aplatissement de ses pôles, vrai pour tout ce qui tourne mais fonction du degré de fluidité du corps) sur la dite trajectoire. Suite à ces calculs (très approximatifs) on trouve une avance du périhélie. Manque de bol, le calcul et les mesures observationnelles ne coïncident pas, il reste un résidu de 43.1 secondes d'arc. Avant les équations d'Einstein, toutes les tentatives pour expliquer ce résidu ont échoué.

Comment les équations d'Einstein résolvent ce problème ? En fait, on utilise ces équations en faisant une approximation de deuxième ordre. Et là, bingo, on trouve exactement la valeur de ce résidu. Problème, on a trouvé une avance du périhélie qui n'est que de cette valeur à savoir 43.1 secondes d'arc et pas du tout la valeur totale. Vous me direz c'est normal car on n'a pas tenu compte des autres corps du système solaire ni de la platitude aux pôles du soleil. Sauf que l'on ne sait pas faire avec les équations d'Einstein et moi ce qui me trouble c'est quel serait le résultat car on a fait un premier calcul avec une série d'approximation à un ordre mal défini et on a rajouté une toute petite partie d'un calcul (incomplet) avec une approximation du deuxième ordre ? Je suis étonné que cela ne soit jamais souligné (au moins à ma connaissance). Visiblement cela marche mais ce calcul ne me parait pas très cohérent. Il est vrai que le grand Einstein n'a pas été troublé par cette démarche sachant que le calcul qu'il a produit lui-même était encore plus approximatif que l'approximation faite aujourd'hui car la métrique de Schwarzschild ne lui était pas encore connue (mais quand on veut valider une théorie ???). Voilà j'ai posé les bases, à vous d'y réfléchir, et si certains veulent me donner un élément de réponse j'en serai ravi (voir nota 2).

Nota 1 : dans un calcul en physique lorsque l'on veut valider une observation ou une mesure par rapport à une théorie (ou réciproquement), il est pratiquement impossible de ne pas faire d'approximations. Il faut alors parfaitement définir quels sont leurs domaines de validité et ce n'est pas toujours très clair dans certains articles. De plus, lorsque l'on utilise des statistiques, les résultats vraiment aberrants non suffisamment répétitifs sont rejetés car considérés comme des scories de la mesure ou de l'observation, aucune expérience ou observation en physique n'étant parfaite.

Nota 2 : je pense que quelques précisions s'imposent. Au premier ordre, on pose la vitesse de la lumière égale à l'infini ce qui implique l'existence d'un temps absolu. Puis on rajoute des perturbations dans le même contexte. Au deuxième ordre, la vitesse de la lumière n'est plus infinie donc le temps n'est plus absolu. Que se passerait-il pour les perturbations en utilisant le deuxième ordre ? De plus, on utilise pour le deuxième ordre la métrique de Schwarzschild donc on ne tient pas compte de la rotation du soleil et on oublie que le "r" de cette métrique n'est pas une coordonnée radiale et que le "t" est celui d'un observateur situé à l'infini (voir mes autres billets) et que les équations d'Einstein sont non linéaires donc tous les corps présents courbent l'espace/temps et en particulier Mercure elle-même. Je n'ai jamais vu aucun calcul qui hiérarchise ces approximations. Ce qui est bluffant c'est la justesse et la précision du résultat obtenu en empilant une série d'approximations dont les contours sont mal définis et sans tenir compte des autres possibilités a priori impactantes sur le résultat final (sont-elles vraiment négligeables ? quels seraient leurs impacts sur le résultat final ?).