Prenons un seul dé pour simplifier et un plateau à dés circulaire. S'ils ont été fabriqués correctement, lors de chaque lancé le dé va s'arrêter sur une de ses 6 faces avec une probabilité de 1/6 (seule l'expérimentation peut le confirmer). Toutefois, il arrive que le dé s'arrête contre le bord du plateau sans qu'une face soit en appui sur le fond du plateau, mais cela est très rare. Le dé est dit alors "cassé" et le résultat du lancé n'est pas pris en compte, donc un nouveau lancé est effectué.

Quand le dé se trouve dans la main du lanceur, personne ne sait quel sera le résultat final. La mécanique quantique nous dit alors que l'état du dé doit s'écrire (voir nota 1) :

a | 1 > + a | 2 > + a | 3 > + a | 4 > + a | 5 > + a | 6 > avec a égal à racine carré de 1/6

la probabilité de trouver lors d'une mesure un des 6 états possibles du dé est a x a* = 1/6 (un nombre réel est aussi un nombre complexe, voir nota 2). On a bien ici une source, la main du joueur qui lance le dé, et un appareil de mesure, le plateau circulaire. C'est l'interaction du dé et du plateau qui détermine l'état final du dé ainsi que la façon de lancer du joueur. On est donc parti d'un état superposé du dé pour arriver au final à un des 6 états de base. Il n'y a plus d'incertitude sur l'état du dé. La mesure a donc réduit la pseudo "fonction d'onde" (en fait la fonction de probabilités) pour donner un seul état et si l'on reproduit la même opération plusieurs fois on retrouvera que la probabilité d'obtenir un des 6 états est 1/6 = a x a*. Quand le dé est "cassé" c'est que l'état final du dé correspond à un des termes non diagonal de l'opérateur densité mais celui-ci a une valeur infiniment petite par rapport aux termes diagonaux et on néglige ce cas inhabituel. On a donc reproduit ici le phénomène de décohérence qui explique clairement la théorie de la mesure en mécanique quantique.

Evidemment, il y a quelques différences avec le cas d'une mesure faite sur une q-particule. Dans le cas du dé c'est principalement les frottements avec le plateau qui créent la décohérence alors que pour une q-particule, même si les frottements jouent aussi leur rôle, c'est l'interaction avec l'environnement qui est primordiale. Ensuite, pour une q-particule l'état final est conservé si l'on renouvelle la même mesure pratiquement instantanément après la première. Ce n'est pas possible avec le dé. Par contre dans les 2 cas, il y a bien irréversibilité de la mesure même si la mécanique classique fantasme le contraire pour le dé. Comme disait Boltzmann a ses détracteurs qui voulait retourner d'un seul coup toutes les vitesses des particule d'un gaz "Eh bien, essayez". Enfin on peut noter que l'état du dé n'est pas dépendant du type de plateau utilisé (au moins dans une certaine mesure), ce n'est pas le cas d'une q-particule, le phénomène quantique d'intrication fait qu'il est impossible de définir l'état d'une particule sans son contexte (source + appareil de mesure + environnement). Une propriété d'une q-particule est obligatoirement contextuelle.

Nota 1 : en fait on pourrait aussi dire que l'on a un état mixte et non pas un état pur mais dans ce cas il faudrait introduire d'emblée des états croisés de type b | 1 > + b | 2 > avec b très petit et supposer a très proche de 1/6 (dans ce cas seul l'opérateur densité a un sens) et l'on ne pourrait pas parler de décohérence. La mécanique quantique est très ambigu sur ce point. Par exemple si l'on mesure un spin 1/2 provenant d'une source donnée suivant l'axe Z et que l'on trouve 2 valeurs avec des probabilités de 50% seule une mesure suivant l'axe X de la source nous dira si l'on a affaire à un état pur ou un état mixte. Ces 2 mesures ne pouvant se faire simultanément (opérateurs non commutatifs) et étant uniquement significatives en probabilités (un niveau suffisant de répétitions des mesures avec peu de points discordants), de fait le résultat n'est interprétable qu'à travers un schéma théorique préétabli, ici celui de la mécanique quantique.

Nota 2 : la théorie des probabilités a été développée mathématiquement pour un monde macroscopique. Elle fait donc intervenir des probabilités qui sont des nombres réels positifs mais donc aussi le carré de nombres réels (p est égal au carré de racine carré de p). Il n'est pas apparu aux yeux des mathématiciens que l'on pouvait utiliser des nombres complexes dont le carré complexe donnait la valeur d'une probabilité. La mécanique quantique a changé cela. Dans le cas d'utilisation de nombres complexes pour décrire une probabilité des propriétés nouvelles apparaissent, c'est le cas en mécanique quantique. Toutefois, des éléments de base restent inchangés. A chaque tirage, une seule valeur apparait.