J'ai déjà fait pas mal de billets sur les trous noirs et mis en avant un certain nombre de paradoxes montrant que la représentation classique (en particulier celle vendue au grand public) des trous noirs était a priori non physique et surtout une extrapolation des équations d'Einstein dans un domaine où l'on pouvait douter de leur validité. C'est pourquoi je préfère parler de trous gris car nos observations montrent qu'il existe des objets célestes ayant certaines caractéristiques des trous noirs mais que notre physique actuelle ne sait pas définir suffisamment bien (voir nota 1).

Les physiciens parlent souvent de la densité d'un trou noir et font remarquer que pour des trous noirs de plusieurs millions de fois la masse du soleil leur densité est inférieure à la densité de l'air donc si un astronaute tombe dedans il ne se passera rien pour lui dans un premier temps (ensuite ce sera un peu plus délicat, spaghettifié le pauvre). Bon, déjà cela ne tient pas compte du fait que sa vitesse devient égale à la vitesse de la lumière sur l'horizon des événements et que le temps de la métrique devient une coordonnée d'espace (et réciproquement), étrange non ? A l'intérieur de l'horizon des événements notre conception de l'espace-temps est tout de même un peu chamboule (voir nota 2).

Sur la densité, j'ai déjà expliqué que c'est une densité fictive car si l'on prend au pied de la lettre la conception du trou noir classique toute la matière est concentrée en r = 0 (un point ou un anneau si le trou noir tourne) et donc la densité est infinie à cet endroit et nulle ailleurs. Un sérieux problème physique même si la mécanique quantique pourrait résoudre ce problème mais nous ne savons pas comment pour l'instant (voir nota 3). En fait dans un trou noir classique, il faut parler d'effet de marée (différence de la force de gravité entre 2 points de l'espace) et pas de densité.

Mais comme je veux parler de densité, voyons de quelle densité fictive les physiciens se saisissent. En fait c'est tout simple, ils prennent la masse du trou noir M et la divise par le volume de la "sphère de Schwarzschild" soit (4/3) x Pi x rs(*3), en gros c'est une densité "moyenne". Ce concept est "intéressant" car il nous permet de montrer que pour n'importe quelle densité il existe un "rayon de Schwarzschild". En effet, Il est facile de voir que rs est proportionnel à un sur racine carré de la densité (voir nota 4). Comme la masse et l'énergie sont les 2 facettes d'un même concept pour les équations d'Einstein et que l'on connait a priori la valeur de la densité masse/énergie pour l'univers (sa platitude mesurée donne une valeur assez précise avec une faible incertitude ainsi que sa "taille" minimum qui est en fait pratiquement infinie par rapport aux distances cosmologiques habituelles), on en déduit que l'univers pourrait être un trou noir (voir nota 5), surprenant non ? Bon, en inversant le sens de la métrique on peut considérer des trous blancs (tout peut sortir mais rien ne rentre dans la "sphère de Schwarzschild" ), cela semble un petit peu moins en contradiction avec nos observations même si cela ne les recoupe pas vraiment.

J'ai déjà mentionné le cas des trous noirs stellaires dont la formation est plus que problématique surtout si l'on considère que notre modèle des particules élémentaires et de leurs interactions n'est pas abouti. Et même avec nos connaissances actuelles il reste pas mal de calcul à faire avant de dire que la pression de dégénérescence ne peut pas arrêter l'effondrement gravitationnel car elle va entrainer une transmutation de la matière que nos accélérateurs de particules nous permettent d'étudier mais malheureusement il reste encore pas mal de boulot et les énergies atteintes limitent nos possibilités d'analyse . En ce qui concerne l'effondrement d'un nuage de gaz gigantesque de densité très faible au départ l'on sait que la formation locale d'étoiles va entrainer sa dislocation et donc empêcher l'effondrement d'ensemble. Toutefois, il reste un cas très particulier, les astronomes ont détecté, "parait-il", des trous noirs gigantesques (donc très peu dense) dans des primo galaxies nées peu après le "big bang". Pour la théorie classique il est pratiquement impossible de comprendre ce phénomène car l'effondrement d'une telle masse de gaz demande un certain temps incompatible avec la durée observée (voir nota 6), même sans parler de la formation d'étoiles.

En conclusion, pour l'instant, les trous noirs stellaires sont surtout des trous gris et les trous noirs peu denses ne sont pas mieux définis et surtout compris. Les physiciens feraient mieux de "tourner sept fois leur langue dans leur bouche" avant de parler de trous noirs à "tire larigot". Il semble que certains physiciens (très peu nombreux) en ont enfin pris conscience.

Nota 1 : Il a été démontré qu'il pouvait théoriquement exister des objets astronomiques ayant des caractéristiques externes très semblables à celles des trous noirs.

Nota 2 : En théorie des cordes (théorie hautement spéculative), une solution (très spéculative aussi) consiste en un espace entremêlé de cordes configurées d'une manière particulière.

Nota 3 : En particulier la mécanique quantique pourrait conduire à une force de rebond mais le sort de la matière rebondissante reste à définir (par exemple le rebond pourrait prendre un temps pratiquement infini).

Nota 4 : rs = c ( (3/8Pi) (1/G) (1/d) )(*1/2) où c est la vitesse de la lumière, G la constante gravitationnelle et d la densité fictive du trou noir. Toutefois, il faut prendre en compte que la solution de Schwarzschild est valide uniquement en dehors de la matière donc que cette formule n'est valide que lorsque la matière est circonscrite dans un volume fini.

Nota 5 : La valeur calculée pour aujourd'hui de rs est d'environ 10 puissance 10 années lumière, valeur d'ailleurs du même ordre de grandeur que l'âge de l'univers. On peut de plus se demander si la constante cosmologique joue un rôle, le coefficient de Schwarzschild complet étant en fait (1 - (2GM/c²r) - (Dr²/3)) où D est la constante cosmologique. La distance à partir de laquelle où D commence à jouer un rôle significatif est du même ordre de grandeur que le rs calculé pour aujourd'hui (pour les cas concrets le facteur contenant D est toujours négligeable). A noter cependant qu'à cause de l'expansion de l'univers, par le passé, la densité de matière pure (baryons et matière noire) était beaucoup plus importante donc le rôle de D était rendu négligeable car rs était beaucoup plus petit. Le satellite EUCLID, récemment envoyé dans l'espace, a pour mission en particulier de vérifier que la constante cosmologique est bien une constante, ce que nos observations confirment pour l'instant. Voir l'article suivant pour connaître de manière détaillée l'influence de la constante cosmologique sur la création des "trous noirs" : https://arxiv.org/pdf/gr-qc/9912066.pdf

A l'autre bout de l'échelle, on peut se poser la question : une particule élémentaire est-elle un "trou noir" ? C'est ce qu'ont fait Einstein et Rosen dans un article publié en 1935. Ils sont alors arrivés à une structure du type "trou de ver" connue aujourd'hui sous le nom de "pont d'Einstein-Rosen" (le nom "trou de ver" n'avait pas encore été inventé). A ma connaissance, il n'y a pas eu de suite en ce qui concerne les particules élémentaires, ni de tentative dans la même veine ayant passé à la postérité. La raison a priori évidente : "la mécanique quantique". Mais ce qui parait évident pour les particules élémentaires me semble aussi évident pour les "trous noirs" dits "classiques". Toute théorie a ses limites et l'extrapoler dans des domaines inconnus est de la pure spéculation.

Nota 6 : A priori la pression régnant dans le milieu stellaire "au début de l'univers" permet seulement la formation des fameux "micros trous noirs" de Hawking qui pour l'instant n'ont jamais donné "un signe de vie". Au centre des autres galaxies, il y a généralement un trou noir très conséquent (plusieurs millions de fois la masse du soleil) mais l'on suppose actuellement qu'il s'est formé par agrégation d'objets célestes de tailles raisonnables (au plus quelques dizaines de fois la masse du soleil). Notre compréhension de la formation des galaxies est encore très incertaine.