Une équipe d'un laboratoire de l'université de Grenoble (expérience GRANIT) a étudié les états de neutrons ultra froids, c'est à dire ayant une très petite énergie cinétique (vitesse linéaire très faible dans le plan x/y), dans un champ de gravité suivant l'axe z (voir nota 1). Ces neutrons se comportent comme des balles que l'on ferait rebondir sur une surface dure. Ici, ils rebondissent sur un miroir et le système permet de mesurer quelle est la hauteur du rebond qui est fonction de l'énergie potentielle des neutrons.

Du point de vue quantique, le système s'analyse en prenant un potentiel Newtonien classique égal à mgz (m = masse du neutron, g = accélération moyenne de la pesanteur, z = hauteur du rebond) et en résolvant l'équation non relativiste de Schrödinger. Les rebonds étant petits, en fait de l'ordre du micron, g varie infiniment peu. Les mesures montrent que comme le prévoit la mécanique quantique les états de rebond sont quantifiés et que les neutrons peuvent passer de l'un à l'autre via des phénomènes d'excitation ou de désexcitation. De plus, les mesures sont en parfaites accord avec les calculs (voir nota 2).

Ces résultats montrent que dans une expérience avec des objets quantiques la gravité n'a pas besoin d'être quantifiée au moins pour des longueurs de l'ordre du micron mais surtout que le principe d'équivalence faible (voir nota 3) est mis en défaut car les énergies des états quantifiés dépendent de la masse du neutron. Pour une particule très lourde, les énergies des états quantifiés sont très proches deux à deux, il y a pratiquement continuité et le principe d'équivalence faible est approximativement respecté, mais pour une particule très légère comme ici le neutron ce n'est plus le cas. En fait il n'y a aucune raison qu'un principe classique soit automatiquement vrai en physique quantique.

Il y a plusieurs façons d'interpréter ce résultat. L'une est d'introduire une cinquième force (appelé Caméléon, on comprend pourquoi) très très faible qui expliquerait en particulier "l'énergie noire" et certains essaient d'utiliser cette expérience pour la caractériser. Cela n'a pour l'instant pas donner de résultat significatif et "l'énergie noire" reste la deuxième constante des équations d'Einstein, le nom constante cosmologique est plus en équation avec les observations et les mesures en attendant les résultats du satellite EUCLID. Une autre est de considérer la gravité comme une force émergente. Dans ce cas, le principe d'équivalence faible n'a pas lieu d'être au niveau quantique (voir nota 4), c'est un résultat approximatif purement macroscopique. Je suppose que l'on peut introduire d'autres interprétations mais cette deuxième interprétation me parait tout à fait cohérente quand on analyse les mesures faites sur la valeur de la constante de gravitation G dont certaines ne se recoupent pas (limites de précision incluses).

Nota 1 : Pour les détails de l'expérience voir l'article "Status of the GRANIT facility", lien = https://arxiv.org/pdf/1410.1376.pdf

Nota 2 : Pour les résultats de l'expérience et les calculs quantiques voir l'article "Manipulation of gravitational quantum states of a bouncing neutron with the GRANIT spectrometer", lien = https://arxiv.org/pdf/2205.11130.pdf

Nota 3 : Quand je parle du principe d'équivalence faible je fais mention au fait que dans un champ de gravité les objets "tombent" de la même manière quelque soit leur poids (donc leur masse). c'est le principe d'équivalence dit de Galilée. L'égalité de la masse "pesante" et de la masse inertielle (ou autres) provient elle tout simplement du fait qu'il existe en relativité restreinte un quadrivecteur dont la norme est constante, le quadrivecteur impulsion/énergie, m étant tout simplement la valeur de la norme (la vitesse de la lumière est prise égale à l'unité), et m caractérisant l'objet physique pris en compte. Le principe d'équivalence fort pris par Einstein comme hypothèse de base de sa théorie de la relativité générale est le fait qu'en tout point événement on peut ramener la métrique à celle de Minkowski qui va rester valable approximativement dans un volume d'espace/temps entourant le point choisi, c'est la fameuse expérience de pensée de l'ascenseur. A noter que l'annulation de la gravité en ce point oblige à franchir mathématiquement un pas de plus car il faut alors annuler les symboles de Christoffel mais ceci est toujours possible. Il est évident que la taille du volume d'espace/temps entourant le point dépend de la valeur de la gravité en ce point.

Nota 4 : La gravité dans ce cas n'a pas besoin d'être quantifiée car ce n'est pas une force fondamentale comme les 3 autres et dire au contraire que les résultats obtenus par l'expérience GRANIT montrent que la gravité doit être quantifiée n'est pas cohérent avec les distances impliquées qui sont seulement de l'ordre du micron, donc rien à voir avec la longueur de Planck, mais en fait rien n'est impossible.