La gravitation est-elle quantifiable ? Beaucoup de théoriciens se sont attaqués à ce problème depuis la fin des années 1950 et le congrès de Chapel Hill (1, 2) mais pour l'instant aucune théorie satisfaisante n'a été trouvée.

Dès la fin des années 1960, plusieurs théoriciens ont cherché non pas à quantifier la gravitation mais à en faire une théorie émergente dont une des vertus était de supprimer le problème de la quantification (3, 4). Toutefois, aucune de ces théories n'a pu créer un consensus dans le monde de la physique. La dernière en date a connu une large diffusion au moins au niveau du grand public mais n'a visiblement pas non plus donné lieu à un consensus (5). Il faut préciser qu'elle est bâtie sur le principe holographique, principe dont les bases auraient besoin de justifications substantielles, sans parler de la construction théorique elle-même.

La seule théorie qui pour l'instant n'a jamais été mise en défaut et répond de manière très précise à nos observations et mesures via en particulier le modèle des particules élémentaires et à la théorie des champs qui lui est associée c'est la mécanique quantique. Il est donc logique de rechercher une théorie de gravité émergente issue des caractéristiques de la mécanique quantique. Deux de ses caractéristiques semblent particulièrement importantes pour les théories physiques : l'intrication et les fluctuations du vide.

L'intrication rend la mécanique quantique non locale et certains théoriciens s'en servent pour créer des expériences de pensée quelques peu douteuses mais a priori aucun n'a développé une théorie émergente de la gravité à partir de cette caractéristique (6). Cela ne semble pas impossible mais relativement difficile.

Les fluctuations du vide permettent de montrer mais pour l'instant pas vraiment de démontrer que la gravité peut émerger d'un certain nombre de leurs propres caractéristiques (7). Nous allons donc prendre cette hypothèse comme base pour la suite de notre théorie qui relie mécanique quantique, gravité émergente et trou noir.

Un travail minutieux sur les différents procédés de mesures de la constante de gravitation, G, montre que les valeurs bien qu'étant très proches ne se recoupent pas, barres d'erreur incluses (8). Dans la mesure où l'on considère la gravité comme émergente cela n'est pas surprenant car en mécanique quantique les propriétés mesurées sur les systèmes physiques sont contextuelles.

La valeur de G doit obligatoirement dépendre de la valeur de la constante de Planck si la gravité émerge des fluctuations du vide. A partir des constantes fondamentales de la physique, c vitesse de la lumière, h constante de Planck et G, on peut construire plusieurs grandeurs dont les deux principales sont la longueur de Planck et la masse de Planck. On peut en construire d'autres mais ces deux ont une caractéristique très particulière à savoir qu'elles sont reliées ensemble dans le cadre de la construction du trou noir de Planck. C'est à dire que la longueur de Planck correspond au rayon de Schwarzschild d'un trou noir ayant pour masse la masse de Planck. Ceci peut être considéré comme un indice que la limite de la théorie de la gravitation, relativité générale inclue, est en fait le concept de trou noir, indice renforcé d'ailleurs par le rayonnement de Hawking dû aux fluctuations du vide à proximité de l'horizon des événements (9).

Pour les trous noirs stellaires cela ne semble pas aberrant sachant qu'une étoile standard est avant tout un objet quantique via les réactions nucléaires en son sein et sachant qu'il est encore plus difficile de théoriser ce qu'est vraiment une étoile à neutrons, dernier stade connu du concept d'étoile bien que d'autres concepts plus théoriques peuvent exister (10). Pour les trous noirs supermassifs, les observations faites dans l'univers jeune par JWST c'est à dire peu après le découplage photons/matière semblent montrer qu'ils peuvent être créés à partir d'étoiles massives donc à très courte durée de vie via des apports rapides et gigantesques de matière qui suivent les filaments de la toile cosmique et qui sont caractéristiques de cette phase de jeunesse de l'univers (11). Ces nouvelles théories construites à partir des observations de JWST restent encore dans l'enfance mais elles permettent de faire rentrer les trous noirs supermassifs dans la même catégorie que les trous noirs stellaires.

(1) The role of gravitation in physics : report from the 1957 Chapel Hill Conference

(2) Bergmann, Summary of the Chapel Hill Conference, Rev. Mod. Phys. 29, 352, (1957)

(3) Visser, Sakharov's induced gravity: a modern perspective, Mod.Phys.Lett. A17 (2002) 977-992

(4) Jacobson, Thermodynamics of Spacetime: The Einstein Equation of State, Phys.Rev.Lett.75:1260-1263,(1995)

(5) Verlinde, On the Origin of Gravity and the Laws of Newton, JHEP 1104:029,(2011)

(6) Maldacena, Susskind, Cool horizons for entangled black holes, arXiv:1306.0533 (2013)

(7) Guy, Fluctuations du vide et gravitation, hal-04507268v1 (2024) (8) Xue, ....., Precision measurement of the Newtonian gravitational constant, National Science Review7: 1803–1817, (2020)

(9) Hawking, Particle Creation by Black Holes, Comm. Math. Phys. 43(3): 199-220 (1975)

(10) Visser, Black holes in general relativity, PoS BHs,GRandStrings 2008:001,(2008)

(11) Dekel, Sarkar, Birnboim, Mandelker, Li, Efficient Formation of Massive Galaxies at Cosmic Dawn by Feedback-Free Starbursts, arXiv:2303.04827 (2023)