Pour compléter mon billet je donne ici quelques pistes pour définir le concept de gravité émergeante via le concept fondamental d'intrication de la mécanique quantique. Evidemment cela n'a aucune prétention théorique, c'est uniquement le fruit de mes réflexions.

L'intrication a été mise en évidence suite à la mise dans un état non séparable de 2 q-particules (par exemple l'expérience de Aspect avec 2 photons dans un état global de spin 0). Cet état non séparable est obtenu via une (ou des) interaction. La mesure d'une propriété sur une des 2 q-particules donne alors un résultat certain lorsque l'on mesure par la suite la même propriété sur l'autre q-particule quelque soit la distance séparant les 2 q-particules et le délai entre les 2 mesures à condition que les 2 q-particules n'aient pas eu d'interaction significative avec d'autres q-particules pendant le temps séparant la mise dans un état non séparable et la deuxième mesure (en dehors évidemment de la première mesure). L'intrication est donc non locale dans le temps et dans l'espace.

Si la gravité est une force émergeante provenant de l'intrication alors elle doit dépendre du nombre de particules en présence car d'après les observations du fond diffus cosmologique toutes les particules ont été en interaction dans le passé à cause de son homogénéité et de son isotropie (en plus cela semble accréditer la théorie de l'inflation primordiale). La force engendrée entre 2 groupes de particules formant chacun un ensemble macroscopique ou au moins mésoscopique (les mesures de la gravité sont au mieux submillimétrique) est de la forme N1 x N2 x f(?), N1 nombre de particules du 1er groupe, N2 nombre de particules du 2eme groupe. Si chacun des ensembles est constitué d'atomes non ionisés, la force est donc de la forme M1 x M2 x h(?), M1 et M2 étant les masses de chacun des groupes. Lorsque il y a ionisation de certains atomes comme nous sommes au moins dans le monde mésoscopique ce nombre est automatiquement très petit donc négligeable (sinon la force électromagnétique masquerait la force de gravité) et la formule reste valable (dans le cadre de masse de type astronomique, la matière est neutre électriquement en moyenne).

Comme la gravité est une force émergeante, il n'y a pas d'échange de particules lors de l'interaction comme cela se produit pour les 3 autres forces fondamentales mais cela peut aussi être assimilé en théorie des champs à un échange de particules de masse nulle, on peut donc écrire que la force est égale à G x M1 x M2 x 1/r², G étant a priori une constante. Le 1/r² peut aussi se justifier géométriquement par la conservation du flux.

Il reste à justifier que la force ainsi définie est bien attractive. En fait, lors d'interactions, il y a une redistribution de l'énergie, cette redistribution étant faite au détriment des particules ne faisant pas partie des interactions mais ayant déjà été en intrication avec les autres particules interagissantes. Comme l'ancien état global d'énergie est transformé, l'opposition à ce changement produit une force attractive (voir nota 1).

Bon c'est vrai, c'est un peu "tirer par les cheveux" mais il faut se rappeler qu'en théorie de la gravité type "force de Newton" donc dans le domaine submillimétrique, il y a un vrai problème pour définir la valeur exacte de la constante de gravité, ici G. Beaucoup de mesures donnent des résultats différents dont les domaines de précisions ne se recoupent pas. Eh oui, on attribue à G une valeur très incertaine, rien avoir avec les valeurs de c (vitesse de la lumière), h (constante de Planck) ou k (constante de Boltzmann), et comme celle des équations d'Einstein découle directement de la force de Newton, le problème est le même. Des mesures ont été faites dans le domaine microscopique. Elles sont très difficiles à mettre en œuvre et l'on peut douter de leur fiabilité à cause de l'extrême petitesse de la force de gravité par rapport aux autres forces ou perturbations en tout genre. A ma connaissance les résultats ne sont pas plus probants.

Allons un peu plus loin, nous avons vu que l'intrication était non locale dans le temps et dans l'espace. Toutefois, le phénomène d'intrication se produit ou plutôt évolue lors d'une (ou des) interaction via l'une des 3 forces fondamentales. Toutes les 3 respectent la relativité restreinte donc se propagent à la vitesse de la lumière. Ceci impacte directement la gravité émergeante qui si on la considère comme un champ doit aussi respecter la relativité restreinte donc le "champ gravifique" se propage à la vitesse de la lumière.

Pour arriver aux équations d'Einstein, c'est, il me semble, plus simple une fois la force de gravité à courte portée définie (niveau submillimétrique). On peut faire un premier constat, le principe d'équivalence est toujours vrai (de même qu'en mécanique Newtonienne). Ensuite la masse et l'énergie sont les 2 facettes d'un même concept (la masse d'un proton ou d'un neutron est pratiquement uniquement due à l'interaction gluonique). Enfin la gravité est une force toujours attractive et tous les corps sont en interaction gravitique entre eux. Dans toutes nos mesures locales nos étalons de mesures subissent l'interaction gravitique des objets qu'ils mesurent et sont déformés par leur propre gravité. On a donc localement un espace courbe, d'autant plus courbe que les objets sont plus rapprochés et plus massifs. De plus l'interaction gravitique des objets sur eux-mêmes crée des non linéarités évidentes. Si l'on prend en considération cet ensemble de faits plus la relativité restreinte (parfaitement vérifiée par nos autres théories des champs) et qu'on le théorise mathématiquement on retombe sur les équations d'Einstein mais uniquement dans le cas de masses macroscopiques, équations que l'on peut compléter par le théorème de Cartan (existence d'une constante dite cosmologique à mesurer). Ces équations reflètent donc tout simplement l'espace/temps perçu lors de nos observations et lors de nos mesures (un exemple bien connu est l'espace à température variable de Poincaré qu'il utilise dans son livre "La Science et l'Hypothèse" pour illustrer la géométrie non euclidienne, dans ce cas il s'agit d'un espace hyperbolique donc à courbure négative).

Bon, c'est encore un peu "tirer par les cheveux" mais cela a quelques avantages. Cela montre que la relativité générale n'a pas besoin d'être quantifiée (même si le temps et l'espace peuvent l'être à cause de l'existence de la constante de Planck mais sans que cela soit une obligation). Ensuite c'est une théorie en particulier les équations d'Einstein qui s'applique uniquement pour des masses importantes et il y a automatiquement une vraie difficulté à définir la valeur de la constante gravitationnelle (elle pourrait d'ailleurs varier au cours de l'évolution de l'univers, une explication aux résultats du satellite JWST ?) . Et surtout on ne peut plus les appliquer quand les effets quantiques sont prépondérants. C'est en particulier le cas si l'on veut traiter le cas d'une étoile en effondrement, une étoile étant avant tout un objet quantique. Par contre, les équations d'Einstein décrivent très bien le champ gravitique externe. Il y a donc aussi un problème majeur si l'on veut les appliquer à ce que l'on appelle un "trou noir" car on sort complétement de leur domaine d'application (voir nota 2). Les meilleurs indices sont d'ailleurs les calculs à l'aide de la mécanique quantique de la température du "trou noir", de son rayonnement et de son entropie complétement en contradiction avec le fait que les "trous noirs n'ont pas de cheveux". Peut-on les appliquer à l'univers dans son ensemble ? Oui jusqu'à un certain point. Au moment de l'inflation, c'est certainement impossible, d'ailleurs la notion d'espace-temps n'a pas vraiment de sens dans ce contexte malgré le consensus général, tout au moins de mon point de vue et de celui d'une poignée de physiciens. Après l'inflation, les effets quantiques restent prépondérants pendant une durée difficile à définir, toutefois il est certainement possible de les appliquer bien avant le découplage (dont l'image est le fond diffus cosmologique) donc par la suite d'en faire un modèle cosmologique cohérent comme le lambdaCDM qui explique bien l'univers observable aujourd'hui.

Pour l'instant, je suis partie de la conjecture "l'intrication implique la force gravitique" et je n'ai rien dit sur le pourquoi (voir nota 3) ? En fait, ce paragraphe arrive maintenant car il nous entraine bien au delà de la frontière de la "terra incognita", l'intrication étant le seul vrai grand mystère attaché à la mécanique quantique (voir mes billets à ce sujet). Le cadre informationnel est une piste spéculative sérieuse mais par contre pas comme l'utilise Verlinde, à savoir l'utilisation d'une force entropique et d'un principe holographique qui renvoient automatiquement à la théorie des cordes. Le cadre informationnel implique immanquablement l'existence d'un opérateur ou tout au moins d'un observateur (voir nota 4). Les propriétés de l'espace/temps deviennent alors contextuelles, c'est à dire dépendantes du type de mesure ou d'observation, comme les propriétés attribuées aux particules quantiques et la mécanique quantique devient alors une théorie globalisante, concept qui me parait fondamental pour expliquer l'existence de l'univers. Eh oui, Monsieur Einstein, "Dieu" joue bien aux dés partout, du microcosme au macrocosme, et le genre humain a tiré le gros lot mais malheureusement jusqu'à quand ? Question que les physicien qui veulent supprimer le temps (c'est très à la mode aujourd'hui) n'ont pas à se poser.

Tout cela devrait servir de pistes à un physicien théoricien pour en tirer "la substantifique moëlle" si elle existe vraiment.

Nota 1 : une petite explication sur le partage d'énergie. Considérons 2 q-particules identiques de spin 1/2 et de masse m qui ont interagi et dont le spin total suite à l'interaction devient égal à 0. Le ket de cet état est donc : |1, 2> = (|1/2, - 1/2> - | - 1/2, 1/2>) avec une constante de normalisation que je n'écris pas pour simplifier, les 2 q-particules sont donc parfaitement intriquées. Supposons qu'elles évoluent librement dans l'espace suite à cette intrication. A l'instant t suivant l'interaction, il faut rajouter en facteur du ket |1, 2> le terme de phase : exp ( - i (2 Pi E t / h - k1 r1 - k2 r2)) avec k1² + k2² = 4 Pi² 2 m E / h². Ce terme provient de la résolution de l'équation de Schrödinger en prenant comme origine le point événement qui correspond à l'interaction (k et r sont en fait des vecteurs et les termes k r et k² sont des produits scalaires). Il y a donc une relation énergique forte entre les 2 q-particules qui doit toujours être conservée (séparer le mouvement entre mouvement du centre de gravité et mouvement d'une particule fictive ne change rien à l'affaire ; de plus il est impossible de séparer l'évolution en phase des 2 q-particules en 2 équations indépendantes).

Nota 2 : habituellement lorsqu'une théorie est suffisamment vérifiée, on la pousse dans ces derniers retranchements et c'est les générations futures qui en établissent les limites en général grâce à une nouvelle théorie ou à des compléments. En relativité générale, bien que la mécanique quantique ait montré son influence fondamentale dans tous les domaines de la physique, c'est les générations futures qui l'ont poussée hors de ses limites. En 1939, Einstein a publié un article qui essayait de démontrer que le rayon de Schwarzschild n'était pas atteignable par une concentration de matière. Toutefois, cet article voulait généraliser un cas très particulier et ne tenait pas compte des autres paramètres. Il n'était donc pas significatif. De plus, Einstein a toujours dit que la relativité générale n'était pas une théorie définitive et il a passé une bonne partie de ses recherches à essayer de la généraliser. Bizarrement, c'est Wheeler disciple d'Einstein, qui pourtant dans un premier temps a continué les recherches d'Einstein sur la généralisation de la relativité générale, qui a été l'incitateur pour pousser la relativité générale au niveau et au delà du rayon de Schwarzschild (peut-être incité à cela par la théorie du Big Bang de Gamow, théorie antérieurement initiée par Lemaître). C'est lui qui a inventé les noms de "trou noir" et de "trou de ver". Bekenstein, Penrose, Hawking, Thorne, Misner, Luminet principalement ont suivi les idées de Wheeler dans les années 70 et ont été les précurseurs de la mise en équations des "trous noirs" devenus un leitmotiv de la physique actuelle.

Nota 3 : une autre piste possible est de faire intervenir "l'énergie du vide", en fait ses fluctuations quantiques. L'expérience verifiant l'effet Casimir montre que dans ses circonstances, plaques conductrices en vis à vis, on fait apparaitre une force d'attraction. Cette force dépend en fait de la géométrie des plaques. C'est certainement une piste à ne pas négliger mais la dépendance géométrique pose question.

Nota 4 : la notion d'observateur comme en mécanique quantique n'entraine pas automatiquement la présence d'un être humain. Par exemple, il peut s'agir d'un appareil d'enregistrement ou de quelque chose d'encore plus simple pour ne pas dire élémentaire. Par contre, il doit à minima perturber l'objet observé même de façon infinitésimale. C'est cette perturbation qui en modifiant l'ensemble du système global est susceptible via les contraintes qu'elle applique de générer la force émergeante, force d'autant plus importante que le réarrangement du système au niveau de ses intrications comporte un nombre plus élevé de particules. On notera d'ailleurs que la relation nombre de particules, masses des corps et intrication est particulièrement sensible pour tous ces développements. A priori l'intrication est un phénomène qui se produit uniquement entre particules semblables (exemple : photons entre photons, électrons entre électrons, quarks entre quarks, etc). Il est donc semble-t-il possible de hiérarchiser les niveaux possibles d'intrication en fonction par exemple de leurs interactions avec le champ de Higgs (neutrinos mis à part car leur masse ne dépend pas a priori du champ de Higgs sauf s'il avérait que des neutrinos "rights" existent) ou d'une autre spécificité. C'est une solution très spéculative pour résoudre le problème rencontré d'autant que nous ne savons rien sur la matière noire, l'énergie noire étant pour l'instant simplement la deuxième constante des équations d'Einstein.